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Sandrine Perrier : une ex-enseignante qui révolutionne le recrutement é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú

Sandrine Perrier
Écrit parVeedushi Bissessurle 14 Octobre 2025

Après quinze années au service de l'Éducation nationale, entre la Réunion, Madagascar et le Sénégal, Sandrine Perrier a choisi de créer EDUREZO, sa société de recrutement dédiée au monde é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú francophone. Directrice d'école, formatrice, responsable d'établissements à l'étranger... Son parcours lui a permis d'observer de l'intérieur les forces et fragilités d'un système en mutation. Aujourd'hui, elle met cette double culture publique et privée au service des établissements et des enseignants. Dans cet entretien avec ½ûÂþÌìÌÃ, elle partage sa vision des défis actuels du recrutement dans l'éducation et son regard engagé sur l'avenir de l'enseignement francophone.

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ? 

Je m'appelle Sandrine Perrier, de retour en France métropolitaine depuis peu après avoir vécu plusieurs années entre l'océan Indien et l'Afrique subsaharienne. J'ai un parcours atypique mais guidé par le fil conducteur : l'attention portée à l'autre. 

J'ai commencé ma vie professionnelle en créant une société dans le domaine du bien-être, secteur dans lequel je me suis épanouie pendant de nombreuses années. Puis ma vie personnelle m'a menée vers l'île de La Réunion où j'ai eu l'envie de changer de voie et de me reconvertir dans l'éducation. 

Qu'est-ce qui vous a initialement attirée vers une carrière dans l'Éducation nationale ? 

Lorsque j'ai repris mes études en licence de sciences de l'éducation, j'ai découvert à travers différentes unités d'enseignement la psychologie de l'enfant et de l'adolescent  ainsi que la sociologie de l'éducation. 

À l'origine, je visais ce diplôme pour enseigner en BTS esthétique-cosmétique, en  chemin, j'ai découvert un univers qui m'a particulièrement intéressée : celui de l'enfance  et de l'enseignement. 

Vous avez démarré comme jeune entrepreneure au début des années 2000 avant de rejoindre l'Éducation nationale pendant 15 ans. Qu'est-ce qui vous a donné envie de revenir à l'entrepreneuriat aujourd'hui ? 

J'ai ressenti la nécessité de quitter un système dans lequel je ne m'épanouissais plus. 

À 47 ans, je cherchais un nouvel équilibre : continuer à accompagner et valoriser les personnes tout en aidant à mieux prendre en compte leurs aspirations professionnelles.  

C'est donc assez naturellement que j'ai créé EDUREZO en 2024 avec l'ambition de créer des liens et de mettre l'humain au centre des préoccupations. 

Ma devise : « La bonne personne au bon endroit, le bon endroit pour la bonne personne. » 

Je suis convaincue que chacun a sa place quelque part, que ce soit pour une étape ou de façon durable. Mon rôle est de créer des ponts : accompagner les individus dans leur chemin de vie et soutenir les structures dans leur gestion du personnel. 

Quels ont été les défis principaux de cette transition entre la fonction publique et l'entrepreneuriat privé ? 

Le principal défi est de relier ces deux univers. Je suis issue de ces deux cultures, qui, malheureusement, en France, souffrent d'une défiance mutuelle. Je constate moins cette problématique quand je travaille avec les Canadiens, avec qui le partenariat public/privé est plus naturel. 

Aujourd'hui mon principal défi est d'être reconnue pour ce que je peux apporter au monde é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú francophone. 

Durant vos 15 années dans l'institution, en France ou à l'étranger, quels postes ou missions ont le plus marqué votre vision du métier d'enseignant et de la gestion des équipes éducatives ? 

J'ai eu la chance, mais aussi la responsabilité, d'être rapidement directrice d'école. À peine titularisée depuis un an, j'ai accepté de prendre le poste de direction qui était resté vacant dans mon établissement de rattachement, bien entourée par une équipe dynamique et enthousiaste. 

Mon envie de découvrir de nouveaux horizons m'a ensuite conduite à devenir responsable d'un établissement français en Casamance, dans le sud du Sénégal. Puis, à Dakar, d'être directrice d'une école à double programme sénégalais et français dans le cadre d'un contrat d'expert technique international mis à disposition du gouvernement sénégalais. Cette mission passionnante m'a permis de découvrir le milieu de la diplomatie à un moment clé des relations entre nos deux États, notamment dans la réécriture d'accords bilatéraux.  

Ces expériences m'ont profondément nourrie humainement. Après avoir été immergée dans le milieu créolophone réunionnais, j'ai pu mettre à profit cette appétence pour l'interculturalité à Madagascar.  

Ma principale mission dans ces emplois a été de recruter et former du personnel ; le recrutement est devenu un enjeu qui me passionne encore aujourd'hui. 

À mon retour sur l'île de La Réunion, mes postes de formatrice en circonscription et à l'INSPE m'ont aguerrie à la formation initiale et continue du personnel.  

En résumé, j'ai eu 15 années de missions exceptionnelles, toujours animée par ma volonté d'améliorer la vie professionnelle des équipes et des étudiants afin qu'ils aient un impact positif sur les élèves. 

Quelles forces et quelles limites du système é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú français avez-vous pu constater de l'intérieur ? Quels enseignements tirez-vous de cette expérience pour votre activité actuelle dans le recrutement et l'accompagnement ? 

Les forces du système é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú français résident principalement dans la capacité de résilience du personnel é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú qui fait face quotidiennement à des contraintes institutionnelles et sociétales. 

Concernant l'enseignement français à l'étranger, quel incroyable outil de rayonnement culturel (soft power) développé depuis quelques décennies, mais qui subit de plein fouet les mesures budgétaires actuelles et doit se réinventer. 

Pour mon activité actuelle, cela m'a appris l'importance de valoriser les compétences des agents et de les accompagner dans leur volonté d'évoluer. Les aider à prendre conscience de leur haute valeur ajoutée, que ces savoir-faire sont transférables sur d'autres programmes d'enseignement, que l'ouverture sur le monde de la francophonie permet de voir loin. Au niveau des structures, envisager le recrutement comme un vrai levier stratégique pour atteindre des objectifs d'excellence : une bonne recrue est un investissement dans l'avenir de l'établissement.

Les établissements scolaires publics comme privés rencontrent aujourd'hui de vraies difficultés de recrutement. Selon vous, d'où viennent ces tensions ? 

Je mettrai en avant le problème de la défiance de la population envers les professions enseignantes. Celle-ci est liée, il faut le reconnaître, à une baisse des salaires entraînant un déclassement social, mais aussi à une perte de reconnaissance symbolique. Le professeur, autrefois figure respectée du savoir, est souvent critiqué sur les réseaux sociaux, lors de certaines interviews de politiques, chacun donnant son avis sur la façon de travailler, le temps de travail… Malheureusement, la richesse de la connaissance n'est pas valorisée à sa juste mesure car elle n'est pas considérée comme rentable. 

Les métiers de l'éducation ont également beaucoup évolué ces dernières années. Quels changements majeurs avez-vous observés dans les attentes des enseignants et des candidats ? 

Il me semble que les années COVID ont eu un impact fort sur les pratiques et échanges en matière éducative. 

À cette époque, j'étais à la fois formatrice en sciences à l'INSPE et directrice d'école élémentaire. Il a fallu s'adapter très vite à l'utilisation des technologies d'enseignement à distance, mais aussi aux nouveaux modes de communication avec les élèves comme avec les parents.  

La barrière physique du portail de l'école a disparu ; le numérique a fait rentrer l'école dans les foyers ; l'enseignant est devenu beaucoup plus accessible via les réseaux. Il a perdu sa vie privée. Comme tout citoyen, le professeur a besoin de moments « off » et ceux-ci se sont restreints, par la pression de l'administration qui grignote sans cesse des heures et sous celle des parents qui envoient des messages à toute heure et attendent des réponses immédiates. 

Aujourd'hui, les personnels é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ús aspirent à davantage de sérénité dans leur travail et à la reconnaissance tangible de leur engagement, eux, qui sont pleins d'enthousiasme et d'envie de faire progresser leurs élèves. 

Comment l'Éducation nationale pourrait-elle mieux accompagner les enseignants face à ces évolutions (numérique, inclusion, nouvelles pédagogies) ? 

En réformant en profondeur ce système vertical, qui valorise souvent la conformité plus que l'innovation et où, à la tête, on préfère regarder ailleurs quand l'institution brûle.  

Le jour où apparaîtra une vraie volonté de former, d'en faire un objectif majeur, en se donnant le temps et les moyens de le faire, beaucoup de choses changeront. Comment prétendre former un futur professeur des écoles en ne lui dispensant que 18 heures en didactique de la matière ? Alors que former est un enjeu crucial.  

Ce défi n'est pas propre à la France ; mes collègues au Canada sont eux aussi très inquiets, notamment face à l'arrêt brutal de certains programmes importants.

J'ai à cÅ“ur que le monde é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú francophone soit perçu comme une ressource précieuse. S'il n'est pas possible de le faire au sein du système institutionnel, alors faisons-le en dehors. 

Si vous deviez transmettre un message aux établissements et aux futurs enseignants, quel serait-il ? 

De se sentir forts, de croire en l'avenir d'un monde é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú revalorisé, de se serrer les coudes, d'être confiants. Depuis trop longtemps, on met les établissements en concurrence, mais ce qui devrait être un levier de réussite ne fait qu'exacerber les tensions.  

Ma vision, pour l'enseignement francophone à l'international, c'est une francophonie ancrée en moi, à travers la langue, qui nous permet de partager des valeurs humaines fortes, centrées sur le respect du savoir et de l'attention à l'autre.

Scolarité et études
é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú
A propos de

Détentrice d'un diplôme approfondi de langue française, j'ai été journaliste à Maurice pendant 6 ans. Je compte une douzaine d'années d'expérience en tant que rédactrice web bilingue à ½ûÂþÌìÌÃ, dont cinq au poste d'assistante éditoriale. Avant de rejoindre l'équipe d'½ûÂþÌìÌÃ, j'ai occupé le poste de journaliste/reporter au sein de plusieurs rédactions mauriciennes. Mon expérience de plus de 6 ans dans la presse mauricienne m'a permis de côtoyer plusieurs personnalités et de couvrir de nombreux événements sur différentes thématiques.

Commentaires

  • bagi974
    bagi974il y a une minute

    Une vision humaine, humaniste et pragmatique du système é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú français et de son lien séculaire à la francophonie... Le système é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú français devrait davantage s'appuyer sur des femmes et des hommes qui ont à cÅ“ur de rétablir les liens fonctionnels de l'enseignement de qualité porté par des valeurs fortes et reconnues. Sandrine Perrier

    mérite de réussir car elle ouvre la voie d'un renouvellement é»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ú, un souffle de clairvoyance sur la philosophie et la doctrine de gestion qui doit remettre l'enseignement au cÅ“ur d'un système et l'enseignant valorisé au centre de nos préoccupations. Son expérience institutionnelle et humaine donnent un sens aiguisé à sa démarche. Elle est une femme remarquable. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt cette entrevue et l'idée qu'elle puisse inspirer d'autres talents me paraît une évidence.