
D'habitude, je suis celle qui tend le micro. Celle qui écoute et écrit les histoires des autres. Mais aujourd'hui, pour une fois, j'ai décidé de raconter la mienne. Je suis installée à Flic en Flac, à l'île Maurice, avec mon mari et nos deux enfants. Une vie douce, loin du rythme effréné… sauf quand on rentre en France. Rentrer au pays, pour nous, ça veut dire sacrifier des vacances reposantes. C'est un sprint, une grosse logistique, une orgie de fromage et d'émotions mélangées. Je vous embarque avec moi dans ce grand marathon que vivent (presque) tous les expats. Voici ce que donnent nos « vacances » en France.
Mon envie profonde de retrouvailles
Quand on vit loin, la distance n'efface rien. Elle rend chaque relation plus précieuse, plus chargée. J'ai besoin de rentrer, de revoir les visages familiers, de sentir que les liens tiennent toujours. Il y a mes parents. Les grands-parents. Les oncles et tantes. Les cousins et cousines. Les amis d'enfance. Les copains du lycée. Les voisins d'avant. Et tous les autres !Â
Je vis loin de la France depuis très longtemps. Je ne ressens pas le besoin de rentrer chaque année. Mais au bout de 4 ou 5 ans, ça me titille. Et quand on rentre… c'est le tourbillon. Tout le monde veut nous voir. Et nous, on veut voir tout le monde. Pas question de rester assis à bouquiner : c'est la course non-stop.
Une carte de France en puzzle
Mon mari vient du Doubs, dans l'est. Moi, je suis de Loire-Atlantique, dans l'Ouest. Et nos amis sont éparpillés un peu partout en France… Résultat : nos vacances ressemblent à une tournée électorale.
La dernière fois, on a fait plus de 3000 km en un mois. On a tout traversé : l'Est, l'Ouest, le Centre, le Sud… Voilà le programme :
- Arrivée à Paris le 6 juillet, départ direct pour la Franche-Comté (5h de voiture) jusqu'au 14 juillet
- Grenoble : du 14 au 15 juillet
- Luc en Diois (Drôme) : du 15 au 20 juillet
- La Fare-les Oliviers - Marseille-Avignon : du 21 au 26 juillet
- Béziers : du 27 au 28 juillet
- Tarascon sur Ariège : du 29 au 31 juillet
- Les Sables d'Olonne : le 1er août
- Région nantaise : du 2 au 9 août
- Une nuit en région parisienne le 10 août et retour à l'aéroport le 11.
On a loué une voiture (la moins chère possible), dormi chez les uns sans vexer les autres, ajusté les dates, évité les autoroutes pour ne pas exploser le budget péages. On avait envisagé un camping-car, pour voyager tranquille, ne pas être dans les valises tous les deux jours… mais on a vite abandonné vu les prix. Finalement, on a trouvé une voiture qui roule à l'éthanol, louée à un particulier. Économique, mais pas toujours facile de trouver une station pour faire le plein. On a traversé des villages improbables. C'est charmant, oui… mais on n'a pas le temps de s'y arrêter.
Un agenda millimétré
Aucune place pour l'impro. Chaque jour est prévu. On passe une nuit ici, deux là . Pas un seul jour sans un « truc ». Pas un week-end libre.
On a envie de rester plus, mais on ne peut pas : on a promis d'être ailleurs le lendemain. Et quand on arrive quelque part, les gens nous accueillent comme si on restait la semaine. Nous, dans nos têtes, on pense déjà à l'étape suivante.
Gérer les absents, les frustrations et la fatigue
Il y a toujours ceux qu'on ne verra pas. Ceux qui partent en vacances pile à ce moment-là . Ceux qui bossent. Ceux qu'on rate pour quelques heures. Et puis il y a la culpabilité. Les « on aurait dû », les « on n'a pas eu le temps ».
À chaque retour, il y a des rendez-vous manqués. Des regrets. Et on rentre à Maurice avec une sensation d'inachevé, comme si on avait effleuré sans vraiment vivre les retrouvailles.
On court, on rit, on mange, on picole. Mais au fond, parfois, on survole. On voudrait être partout, mais on n'est jamais vraiment posés.
Les vacances en France, c'est donc une épreuve physique ! Canicule, enfant en bas âge, sommeil haché, chaleur étouffante. Mon fils ne dort plus à heure fixe, mange n'importe quoi, est secoué dans tous les sens. Et nous, on doit assurer. Les discussions, les retrouvailles, les déplacements… tout en gérant les petites crises de fatigue d'un enfant qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive.
Le marathon gastronomique
Et bien sûr… on mange. Apéro, entrée, plat, fromage et dessert. Quand on vit à l'étranger, les repas en France deviennent un pèlerinage.Â
Fromages, charcuteries, pâtisseries, plats régionaux, vins, souvenirs d'enfance dans chaque bouchée. Impossible de dire non. Le midi chez Mamie, le goûter chez Tata, l'apéro chez les copains, le dîner chez les cousins. Et à chaque fois, les gens veulent faire plaisir. « Tu vas pas refuser une tartiflette chez Mamie quand même ? ».Â
Résultat ? +3 kg en un mois. Et une digestion façon montagnes russes.
Le tourbillon émotionnel
Il n'y a pas que le corps qui fatigue. Le cœur aussi. Les retrouvailles sont intenses. Les au revoir encore plus. Parce qu'on ne sait jamais : est-ce que c'est la dernière fois ? Est-ce qu'on reverra cette personne ? Combien de temps avant la prochaine fois ?
Et puis il y a les changements qu'on n'a pas anticipés. Les enfants grandissent. Les parents vieillissent. Les dynamiques familiales bougent. On se sent un peu en décalage. Comme un invité de passage dans une vie qu'on a quittée mais pas oubliée.
Alors pourquoi y retourner ?
Parce que malgré la fatigue, le stress, les kilomètres, la chaleur et les émotions, ça en vaut la peine.
Voir les yeux de ma mère briller quand elle serre mes enfants dans ses bras, ça n'a pas de prix. Ces moments sont courts, mais intenses. Et irremplaçables.
Repenser les retoursÂ
Avec le temps, on apprend à faire différemment. On explore d'autres options :
- Faire venir nos proches à Maurice pour une vraie pause ensemble.
- Louer une maison dans une région centrale et inviter les gens à venir.
- Espacer les retours pour mieux les vivre.
- Retrouver certains proches ailleurs dans le monde, sur un format « vacances partagées ».
On a mis du temps à comprendre une chose essentielle : on ne doit rien à personne. On fait de notre mieux. Ce n'est pas une tournée promotionnelle. Ce sont nos vacances aussi.
Le retour en France n'est pas une parenthèse. C'est un concentré d'amour, de fatigue, de plaisir, de gourmandise et d'intensité. Un vrai tour de France du cœur !
Je rentre de mes « vacances » plus crevée qu'en partant. Mais je recommencerai. Parce que la vie, c'est ça. C'est voir ceux qu'on aime, même à 1000 à l'heure.