
Vivre aux quatre coins du monde, changer de pays comme on tourne une page, et transformer chaque étape en tremplin personnel et professionnel : c'est le pari qu'Aurélie Barrial a relevé. De La Réunion à Madagascar, des États-Unis à l'Afrique du Sud, cette çe passionnée d'ailleurs n'a jamais perdu de vue l'essentiel : sa famille, ses valeurs et le lien aux autres. Après une épreuve bouleversante liée à la maladie de son fils, elle décide de créer Le Bottin Mondial, un annuaire unique dédié aux professionnels français installés à l'étranger. Rencontre avec une femme résolument tournée vers l'humain, le partage et l'action.
Aurélie, vous avez vécu dans sept pays sur quatre continents, de La Réunion à l'Afrique du Sud, puis les États Unis. Quel a été le moment le plus marquant ou le plus difficile de ces années itinérantes ?
Je me suis imprégnée de chaque expérience en savourant de plus en plus le moment présent, afin de ne pas passer à côté de l'opportunité de vivre dans ces pays. Le moment le plus difficile a sans doute été la naissance de mon deuxième fils en Afrique du Sud avec tout le suivi médical lourd qui a duré 6 mois et qui a bouleversé notre vie de famille.
Quant à vous citer un moment marquant, c'est difficile de n'en choisir qu'un. Parfois ce sont de petites choses qui opèrent des changements de vision du monde ; un mot gentil d'une personne dans une rue, le sourire d'un enfant, une phrase entendue.
Quel a été le déclencheur qui vous a poussée à mener une vie d'expatriation dès le départ ? Était-ce professionnel, personnel ou une aventure familiale ?
C'était professionnel : mon mari a eu l'opportunité de gérer une équipe à Madagascar et nous avons saisi l'offre. À l'époque, je faisais un métier que je n'aimais pas du tout, alors j'ai tout de suite été partante. Et cela me plaisait de vivre à Madagascar. Mon père y est né et je connaissais déjà un peu, pour m'y être rendue deux fois en voyage et parce qu'à la Réunion on était régulièrement alertés par ce qui s'y passait.
Dans l'épisode du podcast French Expat, vous évoquez la maladie grave de votre fils à la naissance et votre rapatriement en France. Comment cette épreuve a-t-elle influencé votre manière d'appréhender l'expatriation ensuite ?
Dès notre première expatriation, le sujet de la couverture santé était un point qui a toujours été mis en priorité. Mon mari et moi avons toujours eu conscience que c'est une chance énorme d'être français, avec un système de soins fabuleux.
Ainsi, quand Nathan est né, on a mesuré encore plus cette chance. Je m'explique : en Afrique du Sud, le choix de poursuivre les traitements était de notre ressort, nous, les parents déjà bouleversés par le diagnostic de leucémie. En France, l'attitude du corps médical est : le diagnostic est posé, la maladie identifiée, le protocole applicable. Résultat : on prend en charge et on tente tout pour sauver la vie.
L'impact que cette épreuve a eu sur notre façon d'appréhender nos futures expatriations a été de ne jamais céder sur le point de la couverture santé et d'encourager tous les gens à prendre ce sujet très au sérieux. En arrivant dans une nouvelle ville, nos premières recherches de contacts étaient les médecins !
Avez-vous expérimenté un choc culturel inversé lors de vos retours en France, après plusieurs années à l'étranger ?
Non jamais. J'adore la France et j'aime discuter avec tous les gens, que ce soit ma famille ou les personnes rencontrées au hasard. Quand nous sommes revenus habiter en France, j'ai eu la même attitude qu'à l'étranger : je me suis présentée à mes voisins et ils ont été surpris mais heureux que je le fasse. Il y en a même qui m'ont fait des cadeaux de départ !
Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de lancer Le Bottin Mondial, cet annuaire des professionnels et entreprises françaises à l'étranger ?
L'idée est partie de plusieurs observations. Je voyais sur plein de pages de réseaux sociaux des questions qui revenaient régulièrement : “Connaissez-vous un professionnel de telle profession dans tel pays ?”. Et je regardais les commentaires : les réponses étaient souvent imprécises, absentes ou contradictoires. Du coup j'ai cherché s'il existait un annuaire du type Pages Jaunes pour les professionnels français à l'international. J'ai trouvé des annuaires, mais ils étaient privés, payants la plupart du temps, et pas forcément à jour. Petit à petit, mon idée a pris forme avec un concept novateur : proposer aux professionnels un abonnement le plus réduit possible (12$) pour que personne ne se sente exclu de l'annuaire et rendre l'accès 100 % gratuit pour tous les visiteurs.
L'avantage de proposer un abonnement, c'est que l'annuaire est toujours à jour : chaque pro a accès à son compte et peut le modifier à tout moment. Au moins une fois par an, il est appelé un mois avant le renouvellement pour confirmer que son activité existe toujours et que ses coordonnées sont exactes. L'abonnement est résiliable à tout moment.
Votre activité médias inclut des apparitions et des partenariats avec des podcasts ou des radios comme French Expat et Radio des ç dans le Monde. Que vous apporte cette visibilité ?
Pour que Le Bottin Mondial soit connu et reconnu, il faut faire du bruit ! Au lancement du site il y a 14 mois, j'ai envoyé un communiqué de presse à différents médias, qui a reçu un écho que je ne pensais pas aussi large. Avec , cela fait un total de 15 couvertures média.
Grâce à French Expat et à la Radio des ç dans le Monde, j'ai une visibilité qui s'est certainement accrue car, comme vous, des gens m'ont contactée suite à la diffusion de mes interviews. Les partenariats que j'ai avec eux sont croisés : nous partageons des profils et nous échangeons des informations qui peuvent alimenter les réseaux sociaux par exemple.
Aujourd'hui, le site a vu plus de 39 000 visiteurs. La curiosité et le besoin sont réels !
Quels conseils donneriez-vous à un ç qui s'installe pour la première fois à l'étranger (choix du pays, réseau, premiers contacts) ?
La première chose, c'est d'anticiper le plus possible : s'inscrire à des webinaires, lire la presse spécialisée, préparer une liste de contacts, rejoindre des clubs professionnels, et ne pas hésiter à se faire accompagner.
Choisir le pays n'est pas toujours une option. Ce qui est bien, c'est de faire un voyage de reconnaissance si cela est possible, et avec le conjoint c'est encore mieux (pour l'anecdote, je n'avais participé à aucun voyage de reconnaissance car je faisais confiance à mon mari et j'étais toujours partante pour découvrir un nouveau pays !).
Dans le cas où on peut choisir le pays, voici les critères à prendre en compte :
- décalage horaire avec la famille et pour travailler ;
- l'environnement de vie : urbain, semi-urbain ou rural ;
- la langue locale et de travail ;
- le budget de la vie quotidienne (loyer, éducation, assurances, voiture, alimentation, téléphonie) ;
- les conditions financières à court, moyen et long terme (investissements, épargne, retraite, fiscalité) ;
- le budget pour rentrer voir la famille ;
- l'offre culturelle et de loisirs ;
- l'offre de santé !
- et cela peut paraître accessoire, mais les affinités avec le pays qui va nous accueillir : on n'est pas chez nous là où on va et il faudra se plier aux règles locales pour bien s'intégrer autant au niveau personnel que professionnel.
Avez-vous des conseils pour rester résilient, garder des repères et préserver l'équilibre familial malgré les déménagements fréquents ?
Les repères que l'on garde sont les valeurs et les relations très fortes au sein du cocon familial. Cela fait partie de nos bagages.
Quand les enfants sont petits (j'ai deux fils), ce qui compte pour eux ce sont les parents et la fratrie. Ils absorbent comme des éponges le ressenti et les émotions de leurs parents. En grandissant, ils se font des amis et leur champ affectif s'élargit. Je pense que c'est bien de prendre le temps d'écouter les enfants, d'accueillir leurs émotions et de mettre en place des stratégies pour les aider à chaque départ et chaque arrivée.
Un rituel qu'on peut instaurer, par exemple, c'est de faire participer les enfants au déménagement. Les laisser faire au moins un carton à eux, sur lequel on n'a pas forcément de contrôle, pour respecter leur jardin secret.
Aujourd'hui on a la chance d'avoir des technologies de communication formidables que l'on peut exploiter à l'infini pour compenser la distance : ça aide énormément à rester résilient !