
Pour lutter contre l'apatridie, de nombreux États encadrent strictement l'abandon volontaire de sa nationalité. Des cas de perte de nationalité peuvent cependant apparaître, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour les personnes concernées. Comment les États gèrent-ils ces deux situations ? Existe-t-il des solutions pour retrouver sa citoyenneté ?
Retrouver sa nationalité après une renonciation volontaire
Il est possible d'abandonner volontairement sa nationalité, sous réserve d'en avoir une autre (pour éviter le risque d'apatridie). Dans ce cas, son pays d'origine peut encadrer une réintégration dans la nationalité perdue.
Exemple de la France
En France, la récupération (réintégration) est possible sous 4 conditions : le demandeur doit être majeur ; il doit avoir gardé des liens avec la France (liens professionnels, familiaux…) ; il ne doit avoir fait l'objet d'aucune condamnation pénale ; s'il réside en France au moment de la demande, son séjour doit être régulier (titre de séjour valide). Il déposera un « dossier de déclaration de réintégration dans la nationalité française » auprès du tribunal judiciaire (s'il réside en France) ou de l'ambassade/du consulat (s'il est à l'étranger).
La démarche est aussi disponible pour un étranger ayant acquis, puis renoncé à la nationalité française. Dans ce cas, la réintégration s'effectuera par décret (après dépôt du dossier, et en cas de validation). La démarche est gratuite, seul le timbre fiscal est payant (55 € ; 27,50 € pour la Guyane). Attention : certains sites Internet peu scrupuleux proposent des services payants pour réaliser ces démarches. Les autorités françaises invitent à la prudence, car la procédure est gratuite, et réalisable . Les personnes résidant en Guyane déposeront leur dossier en préfecture. Ceux résidant à l'étranger le déposeront dans un consulat ou une ambassade française.
Exemple des États-Unis
Le Département d'État des États-Unis rappelle que la renonciation volontaire à sa nationalité américaine constitue un acte irrévocable. Le demandeur prête serment et remplit un certificat de renoncement à sa nationalité. Dès lors que le Département approuve le certificat, l'individu perd sa citoyenneté américaine. Le Département insiste sur le caractère définitif de la renonciation. Mais il précise que la perte de nationalité n'annulera pas les obligations fiscales. L'individu restera également pénalement responsable de tout délit ou crime commis sur le sol américain.
Aucune annulation ni aucun retour en arrière ne sont possibles, sauf cas exceptionnels prévus dans l'article 351 (b) de la loi sur l'immigration et la nationalité. Car cet article permet, par exemple, à un individu de retrouver sa citoyenneté américaine s'il a dû y renoncer avant ses 18 ans, ou s'il a dû y renoncer pour une raison liée à un service militaire à l'étranger avant ses 18 ans. Dans ces deux cas, l'individu concerné devra demander le rétablissement de sa nationalité américaine dans les 6 mois suivant ses 18 ans.
Il existe un autre moyen de retrouver sa nationalité : mener une action en justice ou lancer une procédure administrative auprès du Département d'État. Dans les deux cas, l'individu devra prouver qu'il a dû renoncer à sa nationalité sous la contrainte, ou qu'il n'était pas psychologiquement apte au moment de la renonciation. Les avocats affirment qu'il est possible de retrouver sa citoyenneté américaine. Ils préviennent cependant que les procédures sont longues et coûteuses, et conseillent de solliciter un cabinet d'avocats spécialisé en la matière.
Retrouver sa nationalité après l'avoir perdue
Contrairement à la renonciation, la perte de citoyenneté n'est pas le fait de l'individu. Il subit plutôt une situation : dépossession de sa nationalité en raison d'un contexte de guerre, naissance à l'étranger mal ou non déclarée, naissance hors mariage à une époque où la pratique était moralement interdite, acquisition par les parents d'une autre nationalité, manque d'information quant à d'éventuelles démarches à faire pour conserver sa nationalité… Ces situations peuvent revêtir un caractère discriminatoire. C'est, par exemple, le cas d'un État refusant d'accorder la citoyenneté à un groupe défini de ressortissants.
Exemple de l'Allemagne
L'article 13 de la loi sur la nationalité prévoit une réintégration en cas de perte de sa nationalité. Sont notamment concernées les personnes vivant à l'étranger et ayant perdu leur nationalité pour acquérir celle du pays étranger. Les mineurs peuvent également bénéficier de la mesure. La procédure, nommée « réintroduction d'anciens Allemands », s'effectue (service en allemand).
Exemple du Canada
On les appelle les « Canadiens perdus ». Au Canada, l'expression désigne les personnes qui, bien qu'ayant droit à la citoyenneté canadienne, en sont privées. L'expression désigne également les personnes ayant perdu leur nationalité canadienne. Les affaires, complexes, découlent pour certaines des premières lois sur l'immigration, à partir du début du 20ᵉ siècle. Les lois de 1947 et 1977 définissent qui est citoyen canadien et qui ne l'est pas, mais excluent plusieurs milliers de personnes. Plusieurs réformes ont vu le jour pour accorder la citoyenneté aux « Canadiens perdus ».
Mais certains cas ne sont toujours pas réglés. En 2009, le gouvernement conservateur de l'époque lance une réforme pour limiter l'accès à la citoyenneté canadienne. Les Canadiens nés à l'étranger ne peuvent transmettre leur citoyenneté que si leurs enfants naissent sur le sol canadien. Il faudra attendre 2023 pour que la Cour supérieure de justice de l'Ontario déclare la loi anticonstitutionnelle. Le gouvernement approuve la décision. Il doit maintenant présenter une nouvelle loi pour accorder la citoyenneté canadienne aux personnes ciblées par la réforme de 2009.
Sources :