
Quand on évoque une situation d'expulsion, on pense souvent au sort des immigrés sans papiers. Or, en tant qu'expatrié, on peut se retrouver sous le coup d'une telle procédure, même avec un visa en bonne et due forme. Et cela peut se produire pour des motifs qu'on a tendance à sous-estimer, comme la consommation de certaines substances pourtant autorisées dans d'autres pays. Quels sont les principaux risques d'une reconduite à la frontière et comment s'en prémunir ?
Violation des lois de l'immigration du pays
L'une des premières causes d'expulsion, c'est bien entendu le non-respect des règles d'entrée et de séjour dans le pays. À moins d'être citoyen de l'Union européenne et de s'expatrier dans un autre pays de la zone, vous avez besoin d'un visa, d'un permis de travail ou de résidence en cours de validité. Dès que vous sortez de ce cadre légal, vous vous exposez logiquement à des mesures d'expulsion du territoire.
Fausse déclaration ou fraude à l'obtention d'un visa
Attention à être rigoureux lors des déclarations et des documents à fournir aux services d'immigration. Au Canada, par exemple – comme dans de nombreux pays – les fausses déclarations, même involontaires, peuvent entraîner des conséquences graves, incluant l'interdiction de territoire et l'expulsion, en vertu de l'article 40 de la LIPR (Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés).
Si, par exemple, votre régime matrimonial change après avoir soumis une demande de visa, il faut immédiatement en avertir les autorités du pays cible, sous peine d'être taxé de fausse déclaration.
Travail illégal
Le travail illégal est aussi un motif de renvoi du pays. Évoquons, en particulier, le cas des « conjoints suiveurs » qui, pour certains, poursuivent leur activité professionnelle à distance, sans autorisation de travail particulière dans le pays d'expatriation.
En Chine, par exemple, cette situation n'est pas rare. On se dit que les risques sont faibles, surtout si l'on ne perçoit pas de revenus dans le pays d'accueil. Et pourtant, il s'agit bien de travail illégal, car les considèrent que toute activité professionnelle rémunérée et exercée depuis leur territoire nécessite un visa de travail, même si l'activité est effectuée en ligne pour une entreprise étrangère.
Dépassement de la durée de séjour autorisée dans le pays
On a beau arguer toutes sortes de raisons, dépasser la limite de séjour peut conduire à de graves conséquences dans certains pays.
En Thaïlande notamment, les autorités prennent cela très au sérieux et disposent d'une «  » qui conduit à l'interdiction de séjour sur le territoire pendant 10 ans quand le visa n'a pas été renouvelé depuis plus d'un an.
C'est ce qu'a vécu un , à la recherche de conseils sur les procédures d'appel : « Après mon mariage et la naissance de mon fils en Thaïlande, j'ai obtenu un visa à entrées multiples d'un an. J'ai malencontreusement dépassé mon autorisation de séjour de 94 jours. J'ai alors dû payer une amende de 20 000 bahts (environ 600 dollars) et j'ai été banni du territoire pendant un an. On m'a demandé de signer un document reconnaissant cette interdiction, qui indiquait également que je pouvais faire appel ».
Crimes et infractions : même de faible gravité, ils peuvent vous coûter cher
Commettre un crime est évidemment lourd de conséquences, mais il n'est pas nécessaire d'être un « dangereux criminel » pour risquer l'expulsion. Une ou des infractions répétées à la loi locale peuvent suffire.
Une « infraction mineure » ?
Il y a parfois des différences de perception dans ce qu'on considère être une infraction… Et c'est là où peut résider le problème. À cet égard, la question de l'usage des drogues est très révélatrice.
En , par exemple, comme dans d'autres pays, la consommation du cannabis est légalisée depuis le 1ᵉʳ avril 2024 (autorisation pour les personnes de plus de 18 ans de détenir jusqu'à 25 grammes de cannabis et d'en cultiver jusqu'à trois plants à domicile).
Ce serait pourtant une grave erreur de ne pas considérer sa consommation de cannabis comme un délit dans d'autres pays, en particulier dans plusieurs États d'Asie.
En Indonésie notamment, le cannabis est considéré comme une substance dangereuse et totalement illégale, au même titre que l'héroïne ou la cocaïne. Les sanctions varient en fonction de la nature de l'infraction (consommation personnelle ou trafic), mais peuvent aller jusqu'à vingt ans de prison, voire à la peine de mort. Le cas de plusieurs ou d'autres nationalités est évocateur.
Menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale
Il va sans dire que les étrangers impliqués dans des activités terroristes, extrémistes ou considérées comme une menace pour la sécurité nationale peuvent être expulsés sans délai.
En France, par exemple, vous êtes immédiatement concerné par un (obligation de quitter le territoire français) si vous représentez un danger pour l'ordre public. Il faut alors quitter le pays à vos frais et par vos propres moyens.
D'ailleurs, n‘oublions pas que le simple fait de protester et de participer à une manifestation est aussi perçu comme une atteinte à l'ordre public dans certains pays comme la Chine, où la liberté d'expression est limitée. C'est aussi un motif de renvoi.
Défaut d'intégration ou non-respect de la morale publique
Certains États appliquent une politique de tolérance zéro sur des sujets liés à la morale, aux traditions et à la vie en société. Attention aux tenues vestimentaires jugées inappropriées dans les lieux publics, aux gestes ou attitudes perçus comme indécents, aux photos interdites… Ces comportements peuvent entraîner un avertissement, une amende, voire une détention brève, avant expulsion dans certains cas.
On se souvient notamment de ce reconduit à la frontière pour s'être embrassé près d'une plage à Dubaï, après qu'une locale s'est plainte de ce comportement jugé « indécent ». Le couple a été jugé, condamné à un mois de prison pour « attentat à la pudeur », puis expulsé du pays.
Plus récemment, cette fois-ci à Bali, a publié une série de tweets faisant la promotion de l'île comme un endroit « bon marché, sûr et gay-friendly » pour les nomades digitaux comme elle. Son enthousiasme a été bien mal perçu par les autorités qui lui ont reproché d'encourager d'autres étrangers à ne pas respecter la « culture locale ». Elle a été expulsée sans possibilité de recours, rapporte la BBC.
Devenir une charge pour l'État : un critère économique souvent ignoré
Enfin, un élément souvent sous-estimé : devenir une charge économique pour le pays d'accueil peut justifier une expulsion.
En Suisse, par exemple, l'indépendance financière est fréquemment associée à l'idée d'une bonne intégration dans le pays. L'organisation expose dans un article récent le fait que plusieurs étrangers ont été la cible de divers durcissements législatifs en matière d'octroi de l'aide sociale. Certaines personnes préfèrent même renoncer à toucher des prestations sociales – alors qu'elles y ont droit – car elles craignent de perdre leur droit de séjour dans le pays.
Que se passe-t-il lorsqu'on est expulsé ?
Avertissement, amende, emprisonnent, expulsion
Tout dépend du pays et de la gravité du délit. Mais il faut savoir que ces sanctions peuvent être cumulables. Il faut d'abord purger sa peine (de prison, par exemple) avant d'être administrativement expulsé du territoire, comme mentionné pour le cas du couple anglais à Dubaï. C'est une double peine jugée comme inique par certaines associations.
Expulsion temporaire ou définitive
En moyenne, la durée d'une expulsion temporaire pour un étranger se situe entre 1 et 10 ans, selon la législation du pays et la gravité du délit.
En Belgique, par exemple, l'interdiction de territoire est souvent de 3 Ã 10Â ans, tandis qu'elle varie entre 5 et 10 ans en Italie.
Les expulsions définitives concernent – comme mentionné – les cas graves comme les menaces pour l'ordre public, les actes d'espionnage, de subversion, de terrorisme, etc.
Il faut savoir en tout cas que les expulsions définitives peuvent aussi concerner les expatriés ayant obtenu la résidence permanente et même la nationalité du pays. Au , par exemple, la nationalité peut tout simplement être révoquée par les autorités.
Conséquences concrètes sur d'autres expatriations
Être expulsé d'un pays peut avoir des conséquences importantes sur les futures expatriations, même vers d'autres pays. En effet, lors d'une procédure de visa, il est souvent demandé si le candidat a déjà fait l'objet d'une expulsion ou d'un refus de visa dans un autre État. Si cela est le cas, inutile de dire que l'instruction de votre dossier n'en sera que plus compliquée.
Par ailleurs, certains pays partagent leurs bases de données (comme ceux de l'espace Schengen), ce qui signifie qu'une expulsion peut entraîner automatiquement une interdiction d'entrée dans plusieurs autres pays.
Les précautions et démarches à suivre pour éviter une expulsion
Alors voici quelques bons usages à adopter pour éviter de se retrouver en fâcheuse posture à la frontière :
- Toujours vérifier les règles locales en matière de comportement, religion, expression publique, vêtements, réseaux sociaux, autres tabous et interdits, etc. ;
- Lire les documents remis par les autorités à l'arrivée (brochures, textes légaux); participer à des séances d'information pour expatriés (parfois organisées par les ambassades, les chambres de commerce ou les ONG locales) ;
- Être scrupuleux au niveau des informations, formulaires et pièces justificatives à soumettre pour une demande de visa ;
- Ne pas omettre de signaler tout changement dans sa situation, notamment maritale ;
- Bien garder en tête la période de renouvellement de visa ;
- Vérifier si le pays autorise le télétravail pour un employeur étranger sans visa de travail spécifique ; se renseigner sur les obligations fiscales ou de déclaration pour un travail à distance ;
- Contacter son ambassade ou son consulat en cas de doute ou de problème (par exemple en cas de conflit avec un employeur ou d'accusation injuste) ;
- Consulter si besoin un avocat spécialisé en droit des immigrés ;
- Effectuer, en dernier recours, une contestation ou une procédure d'appel si vous vous estimez victime d'une injustice.