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Comment se sentir reconnu au travail malgré les différences culturelles

groupe de collegues heureux
Unai82 / Envato Elements
Écrit parAsaël Häzaqle 16 Mai 2025

À l'étranger, il peut être plus difficile de savoir comment son travail est apprécié. Les expatriés se sentent parfois sous-estimés, comme s'ils étaient constamment à l'essai. Or, la valorisation au travail est l'une des bases d'une relation de confiance avec hiérarchie. Valorisation qui joue également sur les performances au travail. Analyse.

Comment mon pays d'accueil entend-il le concept de « valorisation au travail » ?

Depuis le 29 avril, la France a lancé une « initiative majeure pour l'emploi des travailleurs expérimentés ». Le projet, concentré sur les seniors, lutte les discriminations subies par ces derniers. Faute de reconnaissance, les seniors sont encore trop souvent exclus trop tôt du monde du travail. Aux États-Unis, des entreprises estampillées « age-friendly » assurent valoriser le travail des seniors autant que celui des plus jeunes. Leur mot d'ordre : bienveillance. Ces appels à la bienveillance au travail concernent cependant tous les salariés. La Belgique a justement lancé un plan d'action national pour améliorer le bien-être des travailleurs. Il s'appuie notamment sur une étude de l'Observatoire européen des conditions de travail (2023) démontrant que les salariés belges « travaillant dans un environnement bienveillant étaient plus engagés, moins stressés et plus productifs. »

Sous-valorisation au travail et désengagement

Le rapport 2025 «  » publié par Gallup le confirme. En 2024, à peine 21 % des salariés dans le monde se disent engagés pour son entreprise. C'est deux points de moins qu'en 2023. En cause : la pression au travail, la menace de l'intelligence artificielle (IA), les restructurations, ou encore le sentiment d'être déconsidéré par sa hiérarchie. Pour ces salariés, la vie dans l'entreprise provoque stress (40%), tristesse (23%), solitude (22%) et même colère (21%). Le sentiment de stress est le plus élevé chez les personnes travaillant aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande (50%). Il est quasi-comparable au niveau de stress ressenti par les travailleurs en Asie de l'Est, au Moyen-Orient et en Afrique (48%). En Europe, 38 % des travailleurs se disent stressés.

La moitié des travailleurs dans le monde s'estiment prêts à changer d'emploi. Ce désengagement est non seulement visible chez les employés, mais aussi chez les managers, tout aussi pressurisés par le contexte actuel (forte concurrence, objectifs de plus en plus difficiles à atteindre, baisse du personnel, IA, turn-over, manque de reconnaissance, etc.). Or, le manque de reconnaissance joue directement sur les performances du travailleur, quelle que soit sa position dans l'entreprise.

La « valeur travail » est-elle la même dans tous les pays ?

On se pose rarement la question lorsqu'on postule à l'étranger. Pourtant, un même poste peut-être envisagé très différemment selon les valeurs prônées dans le pays d'accueil. Les entreprises américaines, par exemple, valorisent l'adaptabilité, la prise de risque, l'échec, la capacité de rebond, la créativité, le réseautage. Au contraire, l'échec est encore mal vu dans les entreprises françaises. À Singapour, les performances individuelles et le management participatif s'effacent devant l'intérêt du groupe et l'encadrement vertical. Les salariés travaillent dur, et beaucoup (44 heures/semaine en moyenne). Cette valeur travail est partagée dans d'autres pays asiatiques, comme le Japon ou la Corée du Sud. Comprendre ces différences vous permettra de relativiser. Parfois, un sentiment de sous-valorisation peut être en partie dû à un décalage vis-à-vis de la culture d'entreprise. Décalage pouvant avoir une incidence sur vos performances ou la perception que vous en avez.

Valorisation au travail : suis-je performant selon les critères locaux ?

En tant que travailleur, vous pensez certainement aux critères classiques permettant d'évaluer votre travail : productivité, créativité, missions réalisées avec succès, etc.

En tant qu'expatrié, vous devez également penser à la valeur travail du pays d'accueil ainsi qu'à la culture d'entreprise :

  • Quelles sont les qualités attendues dans votre travail ?
  • Comment la hiérarchie se comporte-t-elle vis-à-vis de vous ?
  • Comment les équipes sont-elles coordonnées ?
  • Comment l'information circule-t-elle dans l'entreprise ?
  • Sentez-vous un décalage entre la position des travailleurs locaux et celle des étrangers ?
  • Avez-vous une marge de manÅ“uvre pour faire valoir vos compétences ?
  • La créativité, l'initiative et la prise de risque sont-elles valorisées ?

La culture du pays d'accueil influe grandement sur la perception de vos performances. Une simple initiative peut être perçue comme une prise de risque inutile ou, au contraire, comme une marque d'adaptabilité bienvenue. En découlent des traits de caractère qui peuvent vous être attribués, à tort ou à raison. Vous serez perçu comme un salarié irréfléchi, rebelle, individualiste ou, au contraire, créatif, pragmatique, visionnaire.

Pour éviter les déconvenues, renseignez-vous sur la culture du pays d'accueil avant votre expatriation. Bien sûr, il vous faudra dans tous les cas un temps d'adaptation. Ne pensez pas qu'une expatriation dans un pays proche du vôtre vous dispense de préparation. Certains expats occidentaux pensent à tort que tous les pays d'Occident se valent. Mais chaque pays a sa culture et sa vision du travail.

Ai-je une relation de confiance avec mon manager/ma hiérarchie ?

Les travailleurs locaux et étrangers s'accordent sur ce point : leur sentiment de sous-valorisation vient souvent de problèmes avec les supérieurs : contact difficile avec le manager, hiérarchie pesante...

Pour évaluer la qualité de votre relation avec la hiérarchie, partez de la base : comment, en règle générale, la parole circule-t-elle dans votre entreprise ? Ce mode de communication est-il commun aux autres entreprises du pays ou voyez-vous une particularité dans votre structure (renseignez-vous auprès des locaux, interrogez d'autres travailleurs expatriés) ?

Relation de confiance au travail : les points clés

Si chaque pays a son mode de communication et de circulation de la parole, on peut souligner quelques principes favorisant une relation de confiance.

  • Vous pouvez exprimer vos idées clairement. Votre parole est entendue au même titre que celle des autres.
  • La hiérarchie n'est pas trop rigide et vous permet de vous exprimer sans crainte.
  • Vos efforts sont pris en considération.
  • Votre personnalité est respectée.
  • Les prises de paroles se font dans le calme et le respect. Votre manager ne crie pas.
  • Vous pouvez ouvertement parler à votre manager de vos difficultés concernant le travail. Vous pouvez également lui faire part de problèmes concernant votre expatriation (choc culturel, une adaptation à la vie dans le pays d'accueil qui prend du temps…).
  • La parole circule librement entre vos collègues et vous.
  • Vous ne sentez pas de division entre les salariés étrangers et les locaux.

Ai-je suffisamment de retours quant à la qualité de mon travail ?

Le manque de communication est souvent pointé du doigt par les salariés qui se sentent dévalorisés. Ils disent n'avoir que peu de retours sur leur travail. Lorsqu'ils sont évalués, les résultats sont toujours négatifs. Résultats : ils perdent confiance en eux et sont moins engagés dans l'entreprise. C'est particulièrement vrai en expatriation, où les salariés peuvent se sentir plus vulnérables que les autres.

Qualité, fréquence et forme des retours : comment fonctionne votre hiérarchie ?

On peut ici soulever deux aspects essentiels : les retours sont-ils de qualité ? Sont-ils fréquents ? Quelle forme prennent-ils ?

La qualité, la fréquence et la forme des appréciations de votre hiérarchie ont aussi une part culturelle. Dans certaines cultures, on privilégiera l'oral et le face-à-face. Dans d'autres, les informations circuleront davantage par écrit, et/ou par ruissellement : en partant du sommet de la hiérarchie jusqu'à vous.

Par « retour de qualité », il faut entendre « retours constructifs ». Une mission réalisée avec succès devrait être saluée. Une mission échouée devrait être analysée pour comprendre les raisons de l'échec. Mais des expats constatent ne pas être assez félicités lorsqu'ils réussissent une mission. Au contraire, ils n'ont que des retours négatifs, justifiés ou non.

Les salariés faisant part de leur mal-être insistent sur la manière dont leur travail est négativement évalué. Ils se sentent systématiquement associés à l'échec : ce n'est plus la mission qui a échoué, mais eux. Cette confusion renforce leur sentiment de sous-valorisation.

D'autres expatriés regrettent le silence de leur hiérarchie. Ils constatent que ce silence peut être dû à la culture d'entreprise (débriefs peu nombreux, peu de retours sur le travail…). Ce silence ne signifie pas forcément que le travail est mal fait, mais les travailleurs le ressentent parfois ainsi.

Je me sens sous-valorisé au travail : quelles solutions ?

Les entreprises prennent de plus en plus conscience de l'importance du relationnel au travail. Car la valorisation au travail a des conséquences directes sur les performances des expatriés. Bien entendu, cette prise de conscience varie grandement d'un pays à l'autre, d'une entreprise à l'autre. La prise en compte de la souffrance au travail et de la santé mentale est loin d'être les mêmes partout. Il existe néanmoins quelques pistes pour faire part de votre ressenti à votre hiérarchie.

Analysez la situation à froid avant d'émettre un jugement définitif : en quoi vous sentez-vous dévalorisé ? Votre travail est-il déconsidéré ? Subissez-vous une discrimination ? Observez le comportement de votre hiérarchie : constatez-vous une différence de traitement arbitraire entre vos collègues et vous ?

Sollicitez l'expertise d'une personne de confiance : demandez l'avis de tiers (un collègue de confiance, par exemple). Il vous faut un ou plusieurs témoins, et des preuves à soumettre à votre responsable.

Restez motivé : durant votre période d'investigation, essayez de rester motivé et professionnel. Évitez de donner à votre manager des raisons de justifier son comportement arbitraire.

Soyez force de proposition tout en respectant la culture du pays d'accueil : parfois, une conversion sincère avec les collègues et les managers suffit à apaiser les tensions. Chacun se sent entendu, respecté, encouragé. Ces échanges peuvent conduire à la mise en place de stratégies pour valoriser le travail de tous.

Demandez un entretien avec votre manager en respectant la procédure de votre pays d'accueil : dans l'idéal (et surtout en cas de relations tendues avec votre direction), demandez à être accompagné par un collègue de confiance. L'objectif reste toujours de régler la situation à l'amiable…

Si la sous-valorisation relève du pénal (sexisme, racisme, discrimination en raison de votre handicap, etc.), récoltez des preuves et faites appel à des soutiens internes à l'entreprise (syndicat, médecin du travail), et/ou externe (expert juridique, association).

Si, malgré tous vos efforts, vous vous sentez toujours sous-estimé au travail, pensez à changer de travail. Ce changement n'est ni une fuite ni un échec. C'est une décision valorisante pour votre travail et pour votre santé. Un environnement toxique au travail peut avoir de grandes conséquences sur l'estime de soi. Envisagez donc ce départ comme une nouvelle étape dans votre vie d'expatrié.

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A propos de

Rédactrice web spécialisée en actualité politique et socio-économique, Asaël Häzaq observe et décrypte les tendances de la conjoncture internationale. Forte de son expérience d’expatriée au Japon, elle propose conseils et analyses sur la vie d’expatrié : choix du visa, études, recherche d’emploi, vie de travail, apprentissage de la langue, découverte du pays. Titulaire d’un Master II en Droit - Sciences politiques, elle a également expérimenté la vie de nomade numérique.

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