L'île Maurice fait rêver. Résidence au bord du lagon, permis de séjour par l'acquisition, stabilité fiscale... Pour beaucoup, acheter ici est un symbole : celui d'un nouveau départ, d'un projet de vie ou d'un investissement rêvé. Mais derrière les images, la réalité est parfois plus complexe. Papier administratif, attentes interminables, coûts supplémentaires, chemin de croix pour les non-citoyens… Acheter un bien à Maurice peut vite être une aventure épique.
Le parcours du combattant administratif : le témoignage de Michel
Michel, expatrié à Flic en Flac, s'est lancé il y a plus d'un an dans l'aventure immobilière. Il a choisi un appartement en R+2 dans une résidence avec piscine. Et dès le départ, il a senti que la patience serait sa plus grande alliée.
Il raconte : « Le notaire nous a conseillé de ne pas gérer la demande de LOA (Letter of Approval) seuls. On a donc décidé de payer pour qu'un de leurs services dédiés s'occupe des démarches à notre place. On nous a garanti que cela prendrait maximum 6 mois, et que des relances seraient effectuées régulièrement pour faire avancer le dossier. Ça, c'était en août 2024, et on a déboursé 600 euros pour bénéficier de cet accompagnement. Voilà pour la théorie. Car en pratique, cela fait un an aujourd'hui, et je viens tout juste d'obtenir la LOA. J'attends donc de signer la vente maintenant. En août de l'année dernière, au dépôt du dossier, tout s'est figé. Ensuite, il y a eu les élections. Tout le monde nous disait qu'il fallait attendre les résultats. Une fois le nouveau gouvernement en place, on nous a dit que ça irait plus vite. Et puis finalement, on nous a dit l'inverse, que ça prendrait du temps car ils examinaient scrupuleusement chaque dossier et voulaient s'assurer qu'il n'y avait pas de passe-droit dû au gouvernement précédent. Au mois de mai, on était découragés. On nous a dit qu'il fallait attendre l'annonce du nouveau budget et que rien ne se passerait avant ça. Et début juin, grosse surprise : les taxes à l'achat et à la revente augmentent drastiquement. C'est un coup de massue pour nous. À l'heure actuelle, nous ne savons pas réellement si nous allons devoir payer 5% ou 10% de taxes d'enregistrement. C'est flou. »
Au total, l'attente de Michel a duré près d'un an avant un signe d'avancement. « C'est vraiment le parcours du combattant. Il a fallu signer des avenants pour étendre les délais de la promesse de vente, fournir des tonnes de papiers, et surtout, s'armer de patience ».
Des expériences qui varient
Sur les forums d'expatriés, beaucoup rapportent des parcours similaires. Les délais d'approbation de l'EDB (Economic Development Board) et du Bureau du Premier ministre varient entre 3 et 12 mois. Certains attendent déjà plus d'un an sans réponse claire.
D'autres, qui investissent dans un programme agréé, ont obtenu l'approbation en quelques mois, grâce à une procédure pré-validée. La voie dite « rapide » semble donc dépendre du schéma d'acquisition mais aussi et surtout du contexte administratif.
Témoignages croisés : des attentes qui se prolongent
Lucie et Marc ont opté pour un programme IRS neuf près de Grand Baie. Même avec un dossier complet, leur lettre d'approbation a mis 10 mois à arriver. Aujourd'hui, ils attendent toujours la signature notariale finale. « On est en train de faire les dernières démarches pour le prêt bancaire. On espère signer avant la fin du mois, mais on préfère ne rien dire car tout a pris beaucoup plus de temps que prévu ».
Sophie et Pierre, eux, ont commencé leur dossier en novembre 2024. À l'heure actuelle, toujours rien. Aucune explication claire, juste : « dossier en cours ». « On commence à douter. On a payé 10 % de la somme à la promesse de vente. Mais on ne sait même pas quand ça avancera », confient-ils.
Budget 2025-2026 : les réformes du secteur immobilier
Le budget national 2025-2026 est venu ajouter une nouvelle dimension aux calculs des acquéreurs.
Augmentation des taxes pour les non-citoyens
- Taxe d'enregistrement (Registry Duty) passe de 5 % à 10 % pour les appartements et les programmes EDB.
- La Land Transfer Tax à la revente devient le plus élevé des deux : 10 % du prix de vente ou 30 % des bénéfices réalisés.
Ces hausses alourdissent immédiatement la facture globale pour les étrangers.
Fin des avantages fiscaux sur certains programmes
- À partir du 5 juin 2025, les nouveaux projets portant le label Smart City ne bénéficient plus des principaux avantages fiscaux : plus d'exonérations de TVA, plus de réduction d'impôts sur les revenus fonciers, plus d'exonérations sur les droits de transfert ou les frais de conversion. Ces incitations sont supprimées pour les projets approuvés après cette date.
- Pour les projets déjà en construction ou approuvés avant le 5 juin 2025, un mécanisme de transition est prévu : dans certains cas, les avantages fiscaux peuvent continuer à s'appliquer aux éléments validés avant cette date (par exemple permis de construire délivré ou début de travaux).
- Suppression du régime introduit en décembre 2023, qui permettait aux non-citoyens titulaires d'un permis de résidence d'acquérir un bien résidentiel en dehors des régimes existants, y compris un terrain non aménagé, n'importe où à Maurice, à condition que la valeur du bien dépasse 500 000 USD.
Nos conseils pour un achat immobilier plus serein
Choisir un schéma agréé
Si vous ne voulez pas transformer votre rêve d'achat immobilier à Maurice en marathon administratif, mieux vaut opter pour un projet déjà validé par les autorités. Les schémas comme le PDS (Property Development Scheme), l'IRS (Integrated Resort Scheme), le RES (Real Estate Scheme) ou les Smart Cities offrent des garanties : le terrain est déjà validé, les promoteurs ont obtenu les autorisations nécessaires, et l'EDB connaît le projet. Les délais sont souvent moins longs. Un vrai gain de temps… et de sérénité.
Anticiper large : prévoir une marge de 6 à 12 mois
Maurice a son propre tempo. Si vous venez d'un pays où tout se fait en ligne et en quelques clics, il va falloir revoir vos attentes. L'administration ici demande du temps, parfois beaucoup. Même avec un dossier complet, les autorisations peuvent mettre plusieurs mois à arriver, et les imprévus sont fréquents. Le conseil : ne prévoyez pas d'emménager trois mois après la signature du compromis. Prévoyez large. Et si ça arrive plus tôt, ce sera une agréable surprise.
Intégrer les nouvelles taxes dans votre budget
Avec le budget 2025–2026, la donne a changé. La taxe d'enregistrement passe à 10 % pour les non-citoyens, et une nouvelle taxation s'applique à la revente. Ajoutez à cela les frais de notaire et les frais d'agence : l'addition grimpe vite. Pour éviter les mauvaises surprises, intégrez ces charges dès le début de vos calculs, et prévoyez une enveloppe de sécurité. À Maurice, ce qui n'est pas anticipé finit souvent par coûter cher.
S'entourer de vrais pros
Ne vous improvisez pas juriste ou fiscaliste à l'autre bout du monde. Ici, les bons notaires, avocats et agents immobiliers font toute la différence. Ils connaissent les arcanes administratifs, savent relancer les dossiers au bon moment, et peuvent même éviter des erreurs fatales. Mieux vaut payer un peu plus cher pour un accompagnement solide que de tout perdre à cause d'une clause floue.
Garder la tête froide face au coup de cœur
Le lagon est turquoise, les oiseaux chantent, la villa a une vue à couper le souffle… Mais est-elle vraiment vendable ? L'eau de pluie est-elle bien évacuée ? Le titre de propriété est-il en ordre ? Le terrain est-il borné ? La maison est-elle protégée des cyclones ? À Maurice, les vérifications techniques sont aussi importantes que les émotions. Il ne s'agit pas de douter de tout, mais de faire preuve de lucidité. Faites toujours une due diligence complète avant de signer quoi que ce soit. C'est votre garantie.
Acheter à Maurice peut être une histoire magnifique, une aventure émotionnelle et familiale. Mais c'est aussi un chemin parsemé de patience, d'attente, de vigilance et parfois de déceptions. Ceux comme Michel concluent : « Si vous êtes pressé, ce n'est pas l'île pour vous. Mais si vous pouvez patienter, faire bien les choses, alors foncez ! »